Qui n'est jamais revenu, un jour, de son magasin de musique préféré avec un trésor sous le bras ?
Un objet ô combien prometteur de beautés sonnantes (et parfois même trébuchantes au déchiffrage) et d'heures de travail où l'on oublierait le temps qui passe. J'ai nommé : la partition... en tant qu'objet.
Sa couverture d'abord avec le nom du compositeur écrit en grand comme une icône que l'on va enfin oser ressusciter (ou achever pour de bon, selon), puis les commentaires liminaires qui nous font déjà rentrer dans l'histoire et s'imaginer jouer tout seul au milieu de l'orchestre devant un parterre d'aristos emperruqués, et enfin les pages couvertes de notes de musique où les yeux s'effraient déjà au vu de la noirceur des passages ou de l'acrobatie rythmique.
La partition que l'on oublie volontiers sur le pupitre, pour peu que le nom du compositeur soit flatteur et laisse augurer du niveau sérieux de l’exécutant.
La Méthode, parfois célèbre comme il est écrit en grosses lettres dessus, et qui nous accompagna longtemps, véritable objet transitionnel de la petite enfance musicale. Doudou proustien retrouvé trente ans après au fond d'un placard et dont on ne comprend décidément pas qu'elle ait pu nous résister autant naguère, mais dont il serait définitivement hors de question de s'en débarrasser pour "faire de la place". La place de la mémoire des premières joies musicales, ou des autres d'ailleurs, n'a pas de prix.
C'est bel et bien dans cet esprit de l'objet chargé d'histoires personnelles et d'émois sonores que nous voulons créer nos partitions, à contre-courant d'un monde de dématérialisation forcenée où la trace n'importe plus, où la trace dérange même, car il faut faire de la place... Rêvons qu'en ces temps où le vinyle revient en force avec sa grande pochette encombrante mais si colorée que l'on peut y plonger ses yeux dedans toute la durée du disque, il y ait encore des amateurs de vraies "une de couv", de papier à la belle "main" et de formats définitivement plus chatoyants que le vulgaire... A4.